Le Monde, 09/09/2008
Mais à quel jeu de yo-yo est donc soumis le baril de pétrole ? De 100 dollars en janvier, il est monté jusqu'à 147 dollars, mi-juillet, avant de dégringoler pour retrouver son niveau du début de l'année. Et de nombreux experts du monde pétrolier s'attendent à ce qu'il retombe sous cette barre symbolique des 100 dollars, une fois dissipée la menace que font peser les ouragans sur les installations pétrolières et gazières du golfe du Mexique (25 % de la production d'or noir des Etats-Unis).
C'est dire si le sommet des treize membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), qui se tient aujourd'hui à Vienne (Autriche), est décisif. Les spéculateurs se sont en grande partie retirés du marché depuis juillet en vendant le pétrole qu'ils avaient acheté (comme on achète d'autres matières premières, des actions, des obligations ou des devises). Désormais, la poursuite de la baisse ou le maintien des prix du brut – et donc des carburants à la pompe – dépend largement de la décision de l'OPEP : réduire ou maintenir la production à son niveau actuel de 33 millions de barils par jour (sur une production mondiale de 87 millions de barils).
Malgré les pressions de l'Iran et du Venezuela – les "faucons" anti-américains de l'OPEP –, l'Arabie Saoudite devrait obtenir le maintien des quotas officiels de production de chaque pays dans l'immédiat. Mais les Saoudiens, comme les Koweitis, les Emiratis ou les Algériens pompant plus que ces quotas, ils décideront sans doute de resserrer les vannes pour éviter une chute trop rapide des prix. Tous les pays producteurs sont en effet convaincus que le marché marque des signes de "surabondance", la consommation reculant dans les grands pays industrialisés (Etats-Unis, Europe, Japon…) et progressant moins vite que ces dernières années dans les pays émergents (Chine, Inde…).
Dans ce contexte, le cartel reprend du pouvoir après avoir été éclipsé ces derniers mois par les spéculateurs. Un poids qu'il n'a jamais vraiment perdu. Ces quinze dernières années, il a réduit ses quotas douze fois et, dans 80 % des cas, cette politique a porté ses fruits pour l'OPEP : maintien ou augmentation des prix du baril, selon une étude de la Deutsche Bank. Son pouvoir de marché s'accroîtra puisqu'à l'horizon 2012, l'essentiel du surplus de production de brut proviendra de certains pays du cartel, les grands pays non-Opep (Russie, Norvège, Mexique…) souffrant au contraire d'un déclin de leur production.
Dans la situation économique et énergétique actuelle, rien ne justifiait que le baril de pétrole (159 litres) frôle les 150 dollars. Pour faire baisser les prix, plusieurs pays de l'OPEP ont mis sur le marché près de deux millions de barils supplémentaires. Ce qui, avec les craintes sur une baisse accrue de la consommation d'or noir, explique qu'il ait perdu 40 dollars en quelques semaines. Cette baisse pourrait se poursuivre, mais elle atteindra vite un plancher. Les prix ne devraient pas tomber sous la barre des 80 dollars.
D'abord parce que les pays producteurs se sont habitués à un pétrole cher. Ainsi les treize pays membres de l'OPEP (40 % de la production mondiale) ont-ils encaissé 645 milliards de dollars au premier semestre. Autant qu'au cours de toute l'année 2007 ! Les plus peuplés (Nigeria, Iran…) ont besoin de cette rente pour financer leurs économies. Les pays du Golfe, eux, s'en servent aussi pour diversifier leur économie et racheter des banques ou des groupes industriels américains ou européens. Il flotte comme un parfum de revanche économique pour ces pays dont les ressources naturelles ont été largement exploitées par les compagnies occidentales jusque dans les années 1970.
Une autre raison explique que le prix du baril – sauf récession mondiale forte et durable – ne puisse retrouver son niveau du début de la décennie (autour de 25 dollars) : les coûts de développement des projets pétroliers et gaziers. Ils ont plus que doublé depuis 2005 (prix de l'acier et des équipements, pénurie d'ingénieurs, retard des chantiers, exploration dans les régions les plus inhospitalières, normes environnementales drastiques…). Sans des prix élevés, la rentabilité des projets ne serait pas au rendez-vous.
L'envolée des prix accélère la recherche d'énergies alternatives (biomasse, solaire, éolien…), mais celles-ci restent coûteuses et ne menacent pas encore la suprématie des énergies fossiles. Sans changement radical de politique, prévient l'Agence internationale de l'énergie (AIE), plus de 80 % de l'énergie fournie en 2030 proviendra encore du charbon, du pétrole et du gaz. Les principaux responsables du réchauffement de la planète.
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